vendredi 31 janvier 2014

Echos d'une (lointaine) sortie en mer vers l'île d'Aix...

“(...)penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.”
José-Maria de Hérédia

Si le vent se lève peut - être partirons nous. Si le vent se lève, la mer est à nous. Voiles gonflées, ancre levée, le port est déjà loin. Le ciel est clément, quelques mouettes nous accompagnent. 
Peu de mots, des gestes économisés, précis. Le néophythe se tient à l’éccart, prudement, de peur de géner. Le bruits des drisses, des écoutes que l’on manipule. Et en dessous, la profondeur immense, opaque. Au large, nous nous baignerons dans la fraicheur océane. Il sera bon de faire ensembles ces gestes simples, élémentaires ; faire ces gestes comme si notre survie en dépendait. La mer apprend à vivre intensément. Le passé n’y existe pas, seul le présent compte. Doucement, retrouver l’essentiel. 
“Les évènements sont l’écume des choses, c’est la mer qui m’intéresse.” disait Paul Valéry.
   

Entendre le bruit des vagues contre la coque, elles viennent s’y heurter. La proue fend les ondes, et je regarde, émerveillé la largeur des flots. 
“Bateaux bateaux
J’ferme les yeux déjà j’suis loin
Bateaux bateaux
Sauveur de moi prisonnier
Bateaux
De ces lentes journées
Bateaux
Dans ma tête une liberté
La vie intime est maritime.” Alain Souchon

Ne jamais oublier cette lumière, ces reflets, ces silences. A babord une autre voile, à tribord une côte contournée. Droit devant : Fort Boyard. Souvenirs d’enfances.  
L’île d’Aix approche. Vieil empereur échoué, déchu, perdu. Au bout de la rue, la maison du gouverneur, les parquets qui craquent, lourdes tentures aux fenètres. Envolés les aigles, les lauriers, les veillées d’armes et les bivouacs. Evanouis les bals à la cour, révérences, courbettes évaporées. 
Lentement les roses trémières se balancent, roses, mauves, blanches. Près de l’hôtel Napoléon, les enfants jouent au grand air, libres. “Ô surtout ne pas se retourner.” 
Déjà, d’une petite crique repartir. Le soleil baisse, la marée monte. Lever l’ancre, aller plus loin. Se donner l’illusion de tout oublier, de jeter à l’eau tout ce qui retient et emprisonne. Mer, monde de liberté. Lieu d’abscence et de vide où autre chose peut se révéler. Une tempête apaisée, un récif évité, un obstacle s’est éloigné. Adieu la complication, les idées tordues et les questions superflues ! Une vague et tout est noyé !
Se retrouver face à soi même et se dire que, finalement, c’est une bonne compagnie. Des courages qui se révèlent et des angoisses qui se taisent. Au loin, Chassiron bicolore, une glace en projet, juste avant la fermeture, juste pour voir si, sous les étoiles, la vendeuse garde son sourire. 
Progresser au rythme du vent, il nous mène et nous conduit. Respecter la nature, c’est d’abord apprendre à lui obéir. Se laisser conduire, réduire la voile, virer de bord. 
Garder confiance pour se battre contre “l’inanité d’une vie trépidante entourée de clôtures”.

 Garder confiance afin de pouvoir toujours regarder en face les vagues qui se brisent sur la grève, cette saveur incomparable qui est comme une image de la vie. 

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