vendredi 8 janvier 2016

Etre frère universel...

François avait repris ses méditations solitaires. Dans les petits sentiers sous les pins, la lumière vive du printemps s’atténuait et se faisait extrêmement douce. Il aimait venir s’y recueillir et prier. Il ne disait rien ou presque. Sa prière n’était point faite de formules. Il écoutait surtout. Il se contentait d’être là et de prêter attention. On eût dit qu’il faisait le guet, comme un chasseur. Il vivait ainsi de longues heures d’attente, attentif au moindre mouvement des êtres et des choses qui l’entouraient, prêt à découvrir le signe d’une présence. 
Le chant d’un oiseau, le bruissement des feuilles, les acrobaties d’un écureuil et jusqu’à la lente et silencieuse poussée de la vie, tout cela ne parlait—il pas un langage mystérieux et divin ? Il fallait savoir écouter et comprendre, sans rien rejeter, sans rien troubler, humblement et dans le plus grand respect, en faisant silence en soi-même. A travers les pins, le vent soufflait doucement. Il fredonnait une belle chanson. Et François écoutait le vent lui parler. Le vent était devenu son grand ami. N’était-il pas, lui aussi, pèlerin et étranger en ce monde, sans toit, toujours errant et s’effaçant ?
Pauvre entre les pauvres, il portait dans son dénuement les riches semences de la création. Il ne gardait rien pour lui. Il semait et il passait. Sans s’inquiéter où cela pouvait tomber, sans rien savoir du fruit de son travail. Il se contentait de semer et il le faisait avec prodigalité. Attaché à rien, il était libre comme l’espace immense. Il soufflait où il voulait, à l’image de l’Esprit du Seigneur, comme il est dit dans l’Écriture. Et tandis que François écoutait la chanson du vent, il sentait grandir en lui le désir d’avoir part à l’Esprit du Seigneur et à sa sainte activité. Et ce désir, au fur et à mesure qu’il l’envahissait, le remplissait d’une paix immense. Toutes les aspirations de son âme s'apaisaient en passant dans ce suprême désir.
Eloi Leclerc
in "Sagesse d'un pauvre".

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