Durant l'octave de Noël, voici une belle citation de François Mauriac éclairant une gravure qui se trouve dans son cabinet de travail, à Malagar : "Dans mon cabinet de Malagar, un visage d'homme dessiné par Michel Ciry me regarde, et je ne sais si ce regard qu'il arrête sur moi me condamne ou me pardonne. Car c'est homme est le Christ, - je le sais, bien qu'il ne ressemble par aucun de ses traits au Fils de Dieu, tel que la tradition l'a imposé aux sculpteurs et aux peintres, de siècle en siècle. Il ne rappelle surtout pas le Christ glorieux de Byzance et du saint suaire de Turin. C'est un être chétif, aux cheveux incultes, ramenés sur un front qui rappelle celui de Charles Péguy. Ses joues creuses, qu'un peu de barbe recouvre, ont été souffletés et ont reçu des crachats. Le regard de ce pauvre est arrêté sur moi dans mon cabinet modeste, mais où tout a été réuni pour l'isolement, pour le repos à l'abri des autres. Je me suis voulu séparé, coupé de mes frères, c'est ce que ce cabinet signifie.
J'interroge ce condamné, triste par delà la mort, qui ne ressemble à aucun autre et que Michel Ciry a dessiné peut-être sans savoir qu'à travers lui le Christ se manifesterait tel qu'il a voulu se montrer à moi, non pas en juge, du moins je ne le crois pas, - mais peut-être a-t-il voulu me rendre évidente, écrasante, la contradiction de ma vie. (...)
Mais enfin cet homme qui me regarde, ce condamné, ce hors-la-loi, a été reproduit, ou plutôt a revécu trait pour trait dans d'innombrables vies. Je me demande s'il n'y a rien de plus beau dans la liturgie que la litanie des saints. J'en ajoute chaque année à la liste de ceux que j'invoque le matin et le soir. L'homme est une créature capable de Dieu, capable du Christ. Qu'il vive en nous, ce ne serait pas assez dire, mais que nous soyons Lui comme Il est nous, c'est cela la merveille."
François Mauriac in Nouveaux Mémoires Intérieurs. Gallimard Pléiade, pp 777 et 779.
Belle journée !
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire