mardi 3 juin 2008

Etiquette...

Ah la vie de la Cour !
Découvrons avec le duc de Saint Simon quelques subtilités de l'étiquette, notamment lors d'un mariage d'un fils de France.
Lors des mariages princiers, l'étiquette voulait que la princesse qui allait devenir française fut remise à sa nouvelle famille selon un rituel très particulier qui comportait presque toujours le passage d'un pont et la rupture totale avec son ancienne "maison", c'est-à-dire avec les gens, nobles ou pas, qui l'avaient servie jusque là. Ainsi en avait-il été pour Anne d'Autriche ou sa nièce, l'infante Marie-Thérèse. Ainsi en fut-il pour Marie-Adélaïde de Savoie :
"... ... La maison de la Princesse s'était arrêtée près de trois semaines à Lyon, en attendant que (la Princesse) fût à portée du Pont-Beauvoisin, où elle la fut recevoir. Elle y arriva de bonne heure, le mardi 16 octobre (1696), accompagnée de la princesse de la Cisterne et de Mme de Noyers ; le marquis de Dronero (représentant le duc de Savoie) était chargé de toute la conduite : auxquels, ainsi qu'aux officiers et aux femmes de sa suite, il fut distribué beaucoup de beaux présents de la part du Roi. (La Princesse) se reposa dans une maison qui lui avait été préparée du côté de Savoie, et s'y para. Elle vint ensuite au pont, qui tout entier est de France, à l'entrée duquel elle fut reçue par sa nouvelle maison et conduite au logis du côté de France qui lui avait été préparé. Elle y coucha et, le surlendemain, elle se sépara de toute sa maison italienne sans verser une larme, et ne fut suivie d'aucun que d'une seule femme de chambre et d'un médecin qui ne devaient point demeurer en France, et qui, en effet, furent bientôt renvoyés. ... ..."
NB : lorsque le duc d'Anjou, petit-fils de Louis XIV, montera sur le trône d'Espagne, une cérémonie similaire aura lieu, elle aussi. Ce rituel symbolisait avant tout la renonciation du ou de la récipiendaire non seulement à son passé mais aussi à ses droits sur la terre de ses aïeux.

"... ... L'autre chose qui y arriva" (poursuit Saint-Simon,) "fut par un courrier du Roi par lequel il arriva un ordre de traiter la Princesse en tout comme fille de France, et comme ayant déjà épousé Mgr le duc de Bourgogne. L'embarras de son rang (1) avec tout le monde engagea Monsieur (2) à en prier le Roi, les princes et les princesses du sang à le désirer, et le Roi à le faire. Ce courrier arriva sur le point de l'arrivée de la Princesse, de manière qu'elle ne baisa que la duchesse du Lude (3) et le comte de Brionne, et qu'il n'y eut que la duchesse du Lude assise devant elle. Par toutes les villes où elle passa, elle fut reçue comme duchesse de Bourgogne, et aux jours de séjour aux grandes villes, elle dîna en public servie par la duchesse du Lude. Excepté les repas de séjour (4), ses dames mangèrent toujours avec elle. Elle marcha à petites journées. ... ..."
(1) : la reine Marie-Thérèse étant décédée et le mariage de Louis XIV avec Mme de Maintenon n'étant pas officiel d'une part, le Grand Dauphin étant lui-même veuf et nanti de Melle Choin d'autre part, il n'y avait plus de véritable "Première dame" légitime à la cour du Roi-Soleil. Certes, Madame, la Princesse Palatine, pouvait être tenue pour telle mais elle n'était que la femme du frère du Roi ... D'où l'importance de confier au plus tôt ce titre à l'épouse du duc de Bourgogne qui, un jour, deviendrait en effet reine auprès de son mari. L'implacable mécanique royale façonnée par Louis XIV n'admettait aucun temps mort.
(2) : Philippe, duc d'Orléans et frère de Louis XIV.
(3) : qui ne devait sa place de dame d'honneur de la nouvelle duchesse de Bourgogne qu'au pot-de-vin qu'elle avait fait verser à Nanon Balbien, la femme de confiance de Mme de Maintenon.
(4) : les repas de séjour étaient public et donc soumis à la rigidité de l'étiquette. Quand elle était seule en son privé, la Princesse dînait avec ses femmes.

Belle journée !

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