jeudi 14 février 2019

Comment aimer ?

Chrétiens, apprenez de Jésus-Christ comment vous le devez aimer. Apprenez à l'aimer tendrement, à l'aimer prudemment, à l'aimer fortement. Tendrement, de peur que vous ne soyez attirés par les charmes des plaisirs sensuels. Prudemment, de peur que vous ne soyez séduits. Fortement, de peur que vous ne soyez vaincus et détournés de l'amour du Seigneur. Pour que la gloire du monde, ou les voluptés de la chair ne vous entraînent point, que la sagesse, qui est Jésus-Christ, ait pour vous des
attraits et des douceurs infiniment plus grandes. Si vous voulez n'être point séduits par l'esprit de mensonge et d'erreur, que la vérité qui est Jésus-Christ répande en vous une lumière éclatante. Pour n'être point abattus par les adversités, que la vertu de Dieu, qui est Jésus-Christ, vous fortifie. Que la charité embrase votre zèle, que la science le règle, que la constance l'affermisse. Qu'il soit exempt de tiédeur, plein de discrétion, éloigné de toute timidité. Ces trois choses ne vous ont-elles point été prescrites par la Loi, quand Dieu dit : « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre coeur, de toute votre âme, et de toutes vos forces (Dt 6, 5) ? » Il me semble, si vous n'avez quelque autre sens meilleur à donner à cette triple distinction, que l'amour du cœur se rapporte au zèle d'affection, l'amour de l'âme à l'adresse ou su jugement de la raison, et l'amour des forces, à la constance ou à la rigueur de l'esprit. Aimez donc le Seigneur votre Dieu d'une affection de cœur pleine et entière; aimez-le de toute la sagesse et de toute la vigilance de la raison; aimez-le de toutes les forces de l'esprit, en sorte que vous ne craigniez pas même de mourir pour l'amour de lui, ainsi qu'il est écrit : « L'amour est fort comme la mort, et le zèle fervent, inflexible comme l'enfer (Ct 8, 6). » Que le Seigneur Jésus soit à votre coeur un objet de douceur infinie, pour détruire la douceur criminelle des charmes de la vie de la chair; qu'une douceur en surmonte une autre, comme un clou chasse un autre clou. Qu'il soit à votre entendement une lumière qui le guide, et qu'il serve de conducteur à votre raison, non seulement pour éviter les embûches que les hérétiques vous dressent malicieusement, et pour garder votre foi pure de leurs finesses et de leurs artifices, mais aussi afin que vous ayez soin d'éviter ce qu'il peut y avoir d'excessif et d'indiscret dans votre conduite. Que votre amour soit encore constant et généreux, qu'il ne cède point à la crainte, et ne succombe point au travail. Aimons donc avec tendresse, avec circonspection et avec ardeur; car il faut savoir que si l'amour affectif du cœur est doua, il est trompeur, à moins qu'il ne soit accompagné de celui de l'âme ; et que celui-ci pareillement, sans l'amour de force et de courage est sage, mais faible et fragile. 
St Bernard de Clairvaux 
Sermon sur le Cantique des Cantiques n° 20

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