vendredi 3 janvier 2020

Mouvante immobilité...

Pour le plaisir de joindre cet incipit à cette photo récemment prise, voici à nouveau cet extrait d'un fabuleux roman : 


"Ma blessure a nom géographie. Elle est aussi mon ancrage, mon port d'attache. J'ai grandi lentement, à l'ombre des marées et marécages du comté de Colleton. J'avais les bras hâlés et robustes après les longues journées de travail sur le crevettier, dans la chaleur incandescente de Caroline du Sud. Parce que j'étais un Wingo, j'ai travaillé dès que j'ai su marcher ; à cinq ans, je savais pêcher le crabe mou. J'avais sept ans lorsque j'ai tué mon premier chevreuil, et à neuf ans, je mettais régulièrement de la viande dans les assiettes de la table familiale. J'étais né sur une île marine de Caroline, j'y ai été élevé, et je portais, imprimé sur mes épaules et sur mon dos, l'or sombre du soleil des basses terres. Enfant, je me plaisais à naviguer sur les bras de mer, menant un petit bateau entre les bancs de sable où, à marée basse, de paisibles colonies d'huîtres apparaissaient sur fond de vase brune. Je connaissais tous les pêcheurs par leur nom, et eux me connaissaient aussi, et ils me saluaient d'un coup de corne au passage, lorsqu'il m'apercevaient en train de pêcher dans le fleuve." 
Pat Conroy 
Le Prince des Marées


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