jeudi 1 avril 2010

Jeudi Saint

L'homélie de ce jour...
Bonne lecture

Je me souviens d’un petit garçon qui faisait toujours la même prière après avoir communié. Il ne savait pas bien prier, peu de mots lui venaient aux lèvres. Il demandait toujours la même chose parce qu’il croyait qu'en ces quelques pauvres mots se cristallisait son désir : « Seigneur, fais que je devienne un bon chrétien ». Il ne demandait pas à devenir prêtre ou diacre, à se marier plus tard, à être ceci ou cela, juste à devenir un bon chrétien.

Et qu'est-ce qu'un bon chrétien ? Comment devenir un bon chrétien ?

Les textes de la liturgie de ce jour viennent rejoindre cette simple prière puisqu’ils nous donnent quelques lieux pour réaliser et accomplir cette prière.

Le Christ lave les pieds de ses disciples ! Une attitude qui nous révèle que donner sa vie n’est pas suffisant, il faut le faire d’une certaine manière. Le service, dans le Nouveau Testament, c’est d’abord servir à table puis en second temps subvenir à l’entretien de quelqu’un et enfin assurer le service de quelqu’un quelle que soit la nature de ce service. Et très souvent dans l’évangile, le Christ est appelé serviteur dans les bons comme dans les mauvais moments de sa vie terrestre.

C’est dire que le service est intimement lié à la personne du Christ d’abord, au repas ensuite et à l’eucharistie.

Et pourtant, nous pouvons le dire avec force, non, Jésus n’a pas voulu donner l’exemple, mais ses actes sont exemplaires ; ce qui n’est pas du tout la même chose. Ce sont des actes de l’homme. L’existence chrétienne commence avec lui. Alors, le lavement des pieds n’est pas d’abord un enseignement moral, mais le dévoilement d’un mystère. C’est la révélation de l’humilité de Dieu. Dieu, que nous voyons souvent comme tout puissant, s’incline devant ce qui est le plus petit, le plus faible. Jésus s’est fait homme, il est serviteur. Il est au plus bas, à genoux devant les hommes. C’est cela sa puissance. En Jésus agenouillé devant les apôtres, Dieu commence de nous être révélé dans sa vérité. Et Jésus dit à Pierre : “Si je ne te lave pas, tu n’auras point de part avec moi”. Car ce que je suis venu apporter aux hommes c’est cette vie là. Le service accomplis non parce que l’on tient un rôle mais parce que l’on aime l’autre tel qu’il est, grâce à ce qu’il est. Une tenace représentation de Dieu meurt quand il se révèle dans la mort de Jésus sur la croix mais d’abord dans cette scène du lavement des pieds quand il se révèle pauvre et humble, désarmé et silencieux.

Il y a aussi ce repas dont il est fait mention dans le livre de l’Exode et dans la Première Lettre aux Corinthiens. Un repas dont les caractéristiques sont qu’il doit être pris ensemble et qu’il fortifie ceux qui le partagent. Il est une source commune. Cette source a sa racine dans l’eucharistie – lieu de célébration du Mystère Pascal, lieu où le Christ se révèle pauvre et serviteur, don et oblation, fils et frère. Lieu où il m’invite à le suivre et à faire de même. Lieu qui trouve son prolongement dans la prière vécue dans la communion des saints : « ainsi les autres portent mon fardeau ; ma force est la leur. La foi de l'Église vient au secours de mon inquiétude ; (…) ; la prière de l'autre a souci de moi. »[1] disait Martin Luther. Il devient alors un peu dérisoire de se fixer sur ce qui divise.

Notre vie de baptisés, notre service de ministres de l’Evangile, s'enracinent dans la mort du Christ. Son passage au Père manifeste essentiellement le renoncement à nos limites humaines, le renoncement à nos petitesses pour que se révèle l'humanité que Dieu désire :

- C'est l'amour absolu de Jésus incarné pour son Père qui lui fait donner sa vie.

- C'est la tendresse présente de ce Père rejoignant son Fils et l’accueillant, c'est au cœur de cette tendresse que nous entrons, comme mystère du don, comme fécondité de l'amour, comme générosité de la Trinité.

Il est clair que cette conception qui se tient au cœur de la vie chrétienne, nous la mettons en œuvre chaque fois que nous baptisons, chaque fois que nous célébrons l'Eucharistie puisque le sommet de la Prière Eucharistique célèbre : "Par Lui, avec Lui, en Lui, à Toi Dieu notre Père tout honneur et toute gloire".

Notre Père, le Père d'un peuple unique, le nôtre.

Le Concile Vatican II a redis avec force que le Mystère Pascal fonde l’Eglise comme Peuple de Dieu. Un peuple de frères. Cette unité de vocation à vivre le Mystère Pascal nous attache dans une fraternité qui fait qu’ensemble nous célébrons l’unique Eucharistie dont les prêtres et les diacres sont les serviteurs.

En même temps que je remercie le petit garçon pour sa simple prière que je citais à l’instant, je forme le vœu qu’au cœur de cette Année Sacerdotale, tout cela puisse porter de nombreux fruits, ceux que Dieu veut et ceux là seulement.

Amen



[1] Luther – Tessaradecas – 1520.

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