Membre du corps, quelle qu'y soit sa place et sa fonction particulière, il (l'homme de l'Eglise) est sensible à ce qui affecte tous les autres membres. Lui-même est affecté par tout ce qui paralyse, alourdit, meurtrit le corps entier. Pas plus qu'il ne consentirait à s'en divertir, il n'y peut demeurer indifférent.
Il souffre donc des maux intérieurs à l'Église. Il voudrait celle-ci, en tous ses membres, plus pure et plus unie, plus attentive à l’appel des âmes, plus active en son témoignage, plus ardente en sa soif de la justice, plus spirituelle en toutes choses, plus éloignée de toute concession au monde et à son mensonge. Il la voudrait toujours, en tous ses enfants, « célébrant une Pâque de sincérité et de vérité ». Sans nourrir un rêve utopique, et sans manquer de s'accuser d'abord lui-même, il ne se résigne point à une installation des disciples du Christ dans le « trop humain », — ni à leur stagnation en marge des grands courants humains. Il voit spontanément le bien, il s'en réjouit, il s'applique à le faire voir, sans toutefois s'aveugler sur des défauts ou des misères que quelques-uns voudraient nier tandis que d'autres s'en scandalisent, et il ne croit pas que son loyalisme ou seulement son expérience l'oblige à sanctionner tout abus. Il sait d'ailleurs que la simple durée use bien des choses, que bien des renouvellements sont nécessaires si l'on veut éviter les nouveautés néfastes, et qu' « un élan de réforme est naturel à l'Église ». Il n'est pas « un obsédé du passé ». Aussi ne veut-il pas dénigrer ou décourager d'avance, dans les choses qui sont du temps, tout désir ou tout essai de changement. Il s'efforce plutôt de « discerner les esprits ». Il cherche avec ceux qui cherchent. Il redouterait de s'opposer peut-être à l'œuvre de Dieu par une sévérité trop prompte ou trop raide et d'arrêter une marche nécessaire parce qu'elle est scandée de quelques faux pas. Avant de briser un élan, il essaiera toujours d'en redresser l'orientation. Cependant, si les circonstances l'invitent à intervenir, il ne se dérobe pas. Mais il veille alors à n'être mû par aucune autre impulsion que celle même de sa foi.

Henri de Lubac
in Méditation sur l'Eglise
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