"Waterloo, Waterloo morne plaine" soupire la mouette chauve récitant son Victor Hugo. "Il neigeait..." Quelques flocons et tout se paralyse, quelques flocons et tout glisse, tout va à vau-l'eau.
Blancheur engourdissante, torpeur et lassitude. Pas de quoi faire du surf sur les vagues ! Et si on rajoute les décos de Noël ringardes à souhait on décroche le pompon pour remonter le moral... Foi de mouette volant au grand large, cela ne se passera pas ainsi !
Pensive, la mouette se dit qu'on vient d'entrer dans le temps liturgique de l'avent, et au bout de ce temps NOËL ! Après une pensée émue pour sa copine la dinde, notre mouette envisage l'avenir.
Une marche, une attente, une rencontre.
Dimanche, l'évangile mettait en scène Jean le Baptiste baptisé par Jésus dans les eaux du Jourdain. Chaleur, eau tiède, on se prend à rêver... En fait, se dit notre mouette tout dépend l'endroit que l'on fixe. Il est si facile de se tromper. On peut regarder Jean, ou on peut regarder Jésus et donc focaliser tout son être sur le Christ.
Nous faisons souvent l'expérience d'une extrême solitude, qui va à la limite de ce qu'on pourrait supporter. Mais cette solitude est portée par quelqu'un d'autre, qui pour moi, a le visage du Christ, car dans la tradition chrétienne, Dieu a pris chair, il a pris un visage et ce visage est important. Mais cette présence est aussi une absence. Dans les évangiles de la Résurrection, le Christ se révèle comme celui qui n'est pas là. La foi pourrait se définir comme cela : une absence qui signifie une présence. On n'arrive pas à saisir le Christ. On ne voit jamais Dieu en face, mais de dos. C'est ainsi que Moïse voit Dieu... Et pour nous, c'est pareil. La foi, c'est cette reconnaissance après coup : Dieu était là et je ne le savais pas.
Parce qu'au fond, se dit notre mouette, nous vivons cette expérience du peuple d'Israël au désert, et des récriminations contre Moïse. Et la foi suppose la traversée de ce désert. On le traverse en ne fuyant pas. Il est toujours possible de fuir mais on reste en demeurant là, simplement, sans plus, parfois seconde après seconde. Demain, se dit-on, je partirai, peut-être... Le lendemain, on se dit encore que c'est pour demain, et c'est ainsi qu'on traverse l'épreuve. La fidélité est un don de chaque seconde. Et il ne faut surtout pas regarder plus loin. Cela peut arriver plusieurs fois dans la vie et c'est la première qui est la plus difficile. Ensuite, on peut s'appuyer sur ce qui a été vécu et sur l'expérience des autres. La communauté est là, comme le signe que c'est possible. Sans rien dire, elle nous porte. C'est une expérience étonnante, décapante, mystérieuse et profondément ecclésiale. Et hop, la mouette s'envole. Et entre deux battements d'ailes, elle se prend à siffloter une citation de Thomas Merton qui lui revient à l'esprit : «Le message d'espérance que le contemplatif vous offre, frère, n'est pas, dès lors, de vous dire qu'il vous faut chercher votre voie dans la jungle du langage et des problèmes qui entourent Dieu aujourd'hui. [,..] Que vous le compreniez ou non, Dieu vous aime, il est présent en vous, il vit en vous, il demeure en vous, il vous appelle, il vous sauve et vous offre une compréhension et une lumière qui ne ressemblent à rien de ce que vous avez pu trouver dans les livres ou entendre dans les sermons. Le contemplatif n'a rien à vous dire si ce n'est, pour vous rassurer, de vous dire que si vous osez pénétrer votre propre silence et osez avancer sans crainte dans la solitude de votre propre cœur, et si vous courez le risque de partager cette solitude avec l'autre qui est seul et qui cherche Dieu à travers vous et avec vous, alors vous recouvrerez vraiment la lumière et la capacité de comprendre ce qui est au-delà des mots et au-delà des explications parce que c'est trop proche pour être expliqué: l'union intime, dans les profondeurs de votre cœur, de l'Esprit de Dieu et du tréfonds secret de votre être, de telle sorte que vous et Lui êtes en toute vérité un seul Esprit. »
Bon vol !
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