L’autre jour, dans le train, j’avais un voisin qui lisait un roman. Nous avons parlé. Il était d’origine algérienne et faisait des études d’informatique dans une Université de la région parisienne. Il avait lu Amin MAALOUF, que nous avions reçu le jour même à l’Académie française (je recommande un roman de lui, Léon l’Africain, une histoire étonnante qui va de l’Espagne au Maroc, à l’Égypte et en Italie, à l’époque de l’Inquisition). Il connaissait aussi Assia DJEBAR, cette romancière originaire d’Algérie qui a été élue il y a quelques années à l’Académie française et qui n’y revient plus. Il aimait BAUDELAIRE, et il fait de l’informatique.
Et il lit !
Et il lit !
Quelques jours plus tard, aussi dans le train, ma voisine lisait… un roman de Jean-Christophe RUFIN, l’Abyssin. Je lui ai recommandé Rouge Brésil, du même auteur (Prix Goncourt 2001) et aussi le dernier : Le Grand Cœur, qui est l’histoire romancée et écrite à la première personne de Jacques Cœur, le grand argentier du roi Charles VII, à l’époque de Jeanne d’Arc, quand l’Europe s’ouvre au commerce avec le Moyen Orient. Et cette femme, ma voisine du train, travaille aux affaires sociales, dans une banlieue difficile.
Et elle lit !
Et elle lit !
Ces rencontres m’obligent à corriger mes catégories préfabriquées, conformes à la rumeur publique qui murmure : « On ne lit plus ! Le numérique l’emporte ! » Mais mon voisin étudiant en informatique avait, sous ses yeux, les Fleurs du mal de Baudelaire sur son ordinateur.
La lecture demeure une ouverture sur l’histoire du monde et aussi sur les profondeurs de notre humanité complexe (je pense à ce livre effrayant, Les Bienveillantes, de Jonathan LITTEL, sur la barbarie nazie en Ukraine en 1943). Et je n’oublie évidemment pas le Livre unique entre tous, la Bible, du jardin d’Eden de la Genèse à la Jérusalem nouvelle de l’Apocalypse, en passant par les paroles passionnées de l’apôtre Paul, lorsqu’il évoque cette mystérieuse « écharde dans sa chair » (2 Cor. 12,7), qui est en lui pour l’empêcher de s’enorgueillir.
Et je me souviens de mon grand-père qui découvrait la Bible à plus de 80 ans, et qui était rassuré en y trouvant tant d’hommes pécheurs comme lui et tant de choses horribles qui ne font pas peur au Dieu vivant.
Lire, c’est regarder, c’est écouter ce que nous n’inventons pas. Nous évoquons souvent le travail d’écoute, si nécessaire, mais parfois, on peut penser que nous n’écoutons que ce qu’il nous plaît d’écouter. Il est difficile d’écouter ce qui nous surprend ou nous choque, ce qui dépasse nos jugements préfabriqués. Les livres aussi nous obligent à ce travail.
Lire, c’est pouvoir – pas toujours, mais souvent, si on le veut bien – écouter des langages, des confidences, des révélations qui nous surprennent. C’est buter sur le mystère des hommes et des femmes qui se livrent eux-mêmes en écrivant.
Et écrire… Mais ceci est une autre histoire, peut-être pour un autre éditorial ! Bonnes vacances en tout cas, et emportez la Bible avec vous et plongez dans les psaumes !
Mgr Claude Dagens
Evêque d'Angoulême
1 commentaire:
J'ouvre une souscription pour offrir un laxatif à l'académicien. Des pruneaux, Dagens, voilà ce qu'il vous faut!
R.
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