jeudi 20 mai 2021

Hommage

Un beau texte de Jean François Deniau en hommage à Eric Tabarly

Quand j’étais enfant, il y avait un Français très célèbre, grand aviateur, champion de tennis, un «sportsman» disaient les snobs de l’époque, qui avait traversé l’Atlantique à la voile en solitaire: Alain Gerbault. Des chansons populaires racontaient son exploit présenté comme un refus du monde, de Paris, de la vie en société: «Trahisons et marchandages, combinaisons tripotages...» La voile était encore soit une plaisance élégante, soit une évasion, la recherche d’une autre vérité, au loin, sous les tropiques, à la poursuite du soleil. De cette tradition, Moitessier est resté la figure la plus ferme. 

Eric Tabarly a tout changé. Par ses victoires répétées et spectaculaires (en commençant par la victoire sur les Anglais!) et par sa façon d’être lui-même. La voile est devenue naturelle pour davantage de Français. La voile et la mer. Combien de fois ai-je regretté que notre pays n’ait pas assez conscience de sa dimension maritime! Tabarly, le premier, a réussi à briser distance et incompréhension, à créer, si l’on peut dire, un public de la mer, une audience de la mer.
Et en ne parlant pas! Sa réputation de taciturne est fameuse. A bord, pour commander, le moins de mots possible. Son exemple pouvait suffire. D’ailleurs, il faisait mieux que parler. Il chantait. Peu savent à quel point Eric aimait chanter. A la différence de l’amateur ordinaire qui ne connaît que la moitié d’un refrain et fait ensuite «tra-la-la», Eric, lui, connaissait toutes les paroles. Pour nous, il reste comme le chant de la mer.
Jean François Deniau

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