vendredi 23 septembre 2022

Quête du bonheur...

 L’Humanité est ainsi faite qu’elle parle surtout de ce qu’elle n’a pas. Nous évoquons le bonheur à partir d’un manque fondamental. Le bonheur est ce que nous poursuivons sans cesse, ce que nous désirons au plus profond de nous-mêmes, sans jamais l’atteindre vraiment. Il existe sans doute une série de « petits bonheurs » qui nous sont donnés, partiels et fugaces. Mais le bonheur absolu est l’objet d’un désir irréalisable et même, par définition incapable d’être assouvi. En effet, dès qu’un désir se réalise et nous approche du bonheur, notre désir se reporte au-delà, vers un plus grand bonheur. Nous retrouvons dans ce mouvement tout ce que nous avons dit de la transcendance humaine. Cet être que nous sommes, fini de toute part, abrite un désir infini et absolu.

Dans un même registre, nous pouvons faire les mêmes réflexion à partir de la réussite. Qui ne veut réussir sa vie ? Qui ne redoute un échec plus ou moins total, dans le domaine de ses amours ou de sa profession, quand il ne se heurte pas à un handicap qui lui interdit de choisir selon ses désirs ? Qui au terme de son existence, se retournant vers son passé, n’est tenté d’être profondément déçu de lui-même, estimant qu’il n’a pas fait grand-chose, ou même rien du tout ? Bref, nous sommes tous dans le désir d’un accomplissement fondamental de nous-mêmes. Nous le poursuivons, mais il nous échappe toujours. L’échec final est toujours là, devant nous : la mort toujours présente et à laquelle nous savons bien que nous sommes destinés.
Le paradoxe du bonheur irréalisable, de la réussite toujours manquée de notre vie, par quelque aspect, nous pousse au divertissement c’est-à-dire un dérapage de notre désir fondamental de bonheur parti s’investir dans des biens incapables de nous satisfaire, voire capables de nous détruire. Nous risquons même de mettre l’essentiel de notre désir dans un bien frelaté, faux, ou tout simplement fini et nous conduisant irrémédiablement à la désillusion. Autrefois, on appelait cela une idole. Aujourd’hui il ne s’agit plus de représentations faussement divines de statuettes, mais de biens absolutisés dont nous espérons à tort qu’ils seront capables de combler notre désir et nous conduire à la réussite et le bonheur. Le divertissement essaie de nous faire échapper un certain désespoir devant notre condition.
Bernard Sesboüé, L’homme, merveille de Dieu

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