Vous vous souvenez du "Guépard" ? Ce film admirable de Visconti qui reçu la Palme d'or à Cannes en 1963... Hein, vous en souvenez vous ?
Les hommes furent plus sensibles à Claudia Cardinale et les femmes à Alain Delon. Le sourire éclatant de la fille du peuple, sa robe à crinoline tournoyant dans la salons du palais Gangi et l'insolence garibaldienne de l'aristocrate.
Vous en souvenez vous, c'était aussi un roman qui faisait du soleil sicilien notre compagnon quotidien. Le film et le livre sont devenus inséparables tant les images de l'un ont peu trahi les mots de l'autre. Ce roman "fin d'époque", celle des Bourbons Sicile (on pourra lire aussi avec profit le roman de Joseph Roth "la marche de Radetsky") a un personnage central, un sage prophète : le prince Salina (interprété dans le film de Visconti par un Burt Lancaster fait pour le rôle). Il a l'intuition de la fin d'un monde qui s'écroule par pans entiers. Sans goût romantique pour les ruines mais avec le pragmatisme (qu'on ne peut s'empêcher de trouver très moderne et tout de même quelque peu amoral) de l'aristocrate de haut vol à la clientèle abondante, il cherche une solution de secours et place un pion décisif sur l'échiquier : son neveu Tancrède, le combattant républicain (qui ne songe pas un instant à trahir sa classe d'origine).
Dans cet univers, tout n'est question que d'honneur, valeur humaine et le monde de Donnafugata (une des résidences du Prince Salina) paisible et solide. Il n'est pas encore question d'enrichissement à tout prix, l'univers n'est pas encore pollué par une "modernité épicière".
Dans la grande famille romanesque, il est difficile de trouver à ce roman une place tant il est divers. Lui qui se déroule sur quelques cinquante années, sur fond de révolution garibaldienne, semble d'abord faire le récit d'une tranche de vie de son personnage principal le prince de Salina mais il meurt en juillet 1883 et le roman se poursuit jusqu'en mai 1910, sans qu'il ne soit plus vraiment question de lui.
L'intrigue sentimentale entre Tancrède et Angelica est menée à son terme et occupe les deux tiers du roman mais cette intrigue n'est pas l'intrigue principale pour que l'on puisse parler de roman sentimental. Le roman se poursuit bien au-delà de la fin de la révolution en Sicile et même si ce qui se passe dans les années qui suivent sont la conséquence de cet événement, c'est toujours en filigrane et il semble difficile de le considérer comme un roman historique. Enfin, selon les témoignages de l'auteur, la vie de sa famille, la sienne, sont transposées dans ce roman, ce qui laisserait supposer que nous sommes en présence d'une fiction autobiographique.
Le Guépard en un roman autobiographique en ce sens qu' à partir du matériau de la vie de son ancêtre et de ses propres souvenirs, Lampedusa a nourri le récit d'une tranche de vie de son héros fictionnel, le prince de Salina. Bien sûr le roman n'est pas écrit à la première personne et à aucun moment et le narrateur se confond avec l'auteur On peut comprendre Le Guépard, sans rien connaître de la vie de Lampedusa, mais pour autant, admettons que l'éclairage "autobiographique" revendiqué par l'auteur lui-même dans la mesure où il considère que l'on ne peut accéder au vrai sens d'une oeuvre que si nous la mettons en relation avec la vie de son auteur peut amener le lecteur à reconsidérer sa lecture : Le Guépard est un roman, donc une oeuvre fictionnelle mais une fiction élaborée moins à partir de la pure imagination qu'à partir d'un matériau réel, transformé par l'écriture. Enfin, si le prince est l'arrière-grand-père de l'auteur, nous pouvons conclure que Le Guépard est une " biographie fictive"
Pour ceux qui ayant déjà lu le roman du Prince Giuseppe Tomasi de Lampedusa et vu le film de Visconti, il reste la source d'inspiration de cela : "Les Princes de Francalanza" de Frederico de Roberto. Ils y trouveront une fresque féroce (bien qu'elle soit peu prisée dans le pays nantais, n'est ce pas R. ?) des remous siciliens.
Je termine avec la phrase du Prince Salina qui résonne pour lui comme une devise : “Il faut que tout change pour que rien ne change.”
Belle journée !
2 commentaires:
R., pas rancunier malgré l'avant dernier paragraphe, signale que le mot devise est féminin. Au dernier paragraphe.
Il a peu goûté l'épithète "garibaldienne" adossée à "aristocratie". Mais, magnanime, il va son chemin, et repassera voir si tout est remis en ordre.
R. donc.
Ce qu'il faut souffrir tout de même ! Chacun sa croix...
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